
...ça commence vers neuf ans,
ça ne s'appelle pas encore "poésie", c'est une petite démangeaison d'écriture peut-être stimulée par le succès d'une "rédaction" lue à toute la classe et dont subsiste la mémoire d'une phrase :
"... à l'horizon de l'allée majestueuse, teintant la cime des arbres dénudés, luit le bouclier d'argent d'un pâle soleil d'hiver."
Pour en arriver là il lui a fallu beaucoup lire — mais pas de poètes, à peine quelques parcimonieux extraits scolaires de Hugo et surtout du François Coppée ! D'ailleurs , ce sont des histoires, des aventures, qu'il voudrait raconter, à l'instar du Jules Verne de "l'Ile mystérieuse", du Hugo des "Misérables" voire du Süe des "Mystères de Paris", encore que son style soit bien décevant !
Pourtant, un an plus tard, en rentrant du Cours Hattmer dans le train de banlieue pour Saint-Germain en Laye l'image fugitive d'un coin de paysage va lui inspirer deux vers qui n'appellent pas de suite, formant une espèce de haïku que l'on peut considérer comme son premier poème :
des matins pâles aux soirs de miel et d’eau
s'abandonnent les vents aux peupliers de l’île
C'est peu de choses, mais ce n'est pas rien parce qu'à partir de là il va se mettre à découvrir et à lire les poètes — en négligeant Minou Drouet dont Cocteau vient d'affirmer que tous les enfants ont du génie, sauf elle. Et, tiens, pendant qu'on y est, on va essayer de lire Cocteau , en douce parce que c'est sulfureux et pas de son âge ( c'est qu'en 1955 on ne dit pas merde mais "le mot de cinq lettres", un livre de Sartre est titré "La P...respectueuse", et les "S...ds vont en enfer").
On va donc avaler tous les poètes : Baudelaire, Nerval, Verlaine, Lautréamont, Rimbaud, les surréalistes... et on va commencer à écrire pour de vrai : on a quatorze ans, il est temps de s'y mettre. Mais on n'en parle pas, ça reste secret. On est moins inhibé avec les filles, même pas du tout car on a toujours connu la mixité, les rapports sont aisés et on n'a pas attendu pour s'y mettre sérieusement...
...à quatorze ans ça se confirme,
et ça ne s'arrêtera plus. Pascal se promène dans le vingtième arrondissement et rue du Surmelin une librairie à l'enseigne du "Gai savoir" présente en vitrine des livres de la collection "Poètes d'aujourd'hui". Le libraire est le poète Serge Wellens (1927-2010) qui va lui faire découvrir les poètes de l'école de Rochefort et la poésie vivante, les poètes de 1957, et qui l'accueille comme l'un des leurs.
L'accueil, en effet, est encourageant :
- "C’est simple, c’est évident : vous êtes un poète. "
Pierre Boujut (La tour de feu)1959
- " Une poésie à la fraîcheur et à l'originalité peu communes."
Jean Germain (Les nouveaux cahiers de Jeunesse) 1960
- "La brièveté, la gravité, la densité sont caractéristiques de cette poésie qui fait songer parfois à Rimbaud, parfois au Max Jacob du Cornet à dés"
André Malartre (06.1960)
- " ...ça pète, ça saute, ça gueule : c'est de la vraie poésie ! Bien meilleur que le dernier Prix Découverte que je viens de recevoir… oui j’aime ces phrases hachées, rapides, essoufflantes..."
Serge Wellens (1961) à propos du poème "A TRAVERS" :

Poète, ce n'est pas un métier : il faut en avoir un , conseillait Max Jacob aux jeunes poètes.
Ainsi Pascal a exclu de faire une carrière de poète — mais c'est en poète qu'il exercera divers métiers. Avec l'exigence de n'écrire que sous l'impulsion d'une urgence, depuis des années, comme le roi, le poème vient quand il veut. Il peut être "l'humble glose d'instants ténus", une chronique ; ou parfois "la vertigineuse incantation d'un discours d'enchantement"— ce que rappelle le titre d'un de ses recueils : "Chroniques et discours". Et précise-t-il "il arrive qu'à force de restrictions de corrections et de repentirs, il ne reste rien. Rien : tout vaut mieux que petitement."
En écho,Serge Wellens lui écrivait en 2002 : ..." te dire mon bonheur de lecteur de "Chroniques et discours" (...) quel talent, quel humour, quelle originalité profonde des textes qui s'enchaînent avec une belle rigueur d'écriture ! (...) Le fantastique quotidien est restitué avec une authenticité vertigineuse." Il ajoutera en 2003 : " Il faut beaucoup de talent pour faire de la concision un élément de lyrisme.